Assurance-chômage : faute de budget, l’Unédic s’inquiète pour son financement

Dans un courrier adressé, lundi 13 janvier, au premier ministre, les gestionnaires de l’assurance-chômage alertent sur les conséquences de l’absence d’un projet de loi de finances, sans lequel l’association paritaire ne peut emprunter.

L’Unédic met la pression sur le gouvernement. L’association paritaire qui gère l’assurance-chômage a décidé d’alerter François Bayrou sur l’état de ses finances. Dans un courrier envoyé, lundi 13 janvier, au premier ministre, ses gestionnaires font part de leurs inquiétudes tout en rappelant la responsabilité de l’Etat dans la dégradation des comptes de l’Unédic. L’alarme n’est pas nouvelle, mais elle prend une ampleur inédite avec l’envoi de ce document − que Le Monde s’est procuré − signé du président (Medef) de l’organisme, Jean-Eudes Tesson, et par sa vice-présidente (CFDT), Patricia Ferrand.
Le bureau de l’Unédic a décidé à l’unanimité des représentants des partenaires sociaux d’écrire à François Bayrou « afin d’attirer [son] attention sur les conséquences directes du report de l’adoption d’un projet de loi de finances [PLF] pour 2025 sur la situation financière du régime ». L’examen du budget au Parlement n’avait pas pu aller à son terme en raison de la censure du gouvernement Barnier par les députés, le 4 décembre 2024. L’absence de budget plonge l’Unédic dans une situation incertaine, car l’Etat lui donne chaque année sa garantie pour ses emprunts, pour un montant défini en lois de finances.
Le PLF 2025 prévoyait ainsi l’octroi de la garantie de l’Etat à hauteur de 4 milliards d’euros. Car, le 17 février, l’organisme doit faire face à un remboursement de 3 milliards d’euros. Sans cette garantie,
il ne pourra pas avoir recours à une nouvelle émission à long terme pour s’acquitter de l’échéance et devra emprunter à court terme, avec un taux bien plus élevé. « C’est notre extrême préoccupation
qui justifie l’envoi de ce courrier, souligne Jean-Eudes Tesson au Monde. On veut faire connaître cette situation qui devient intenable. »
Rappeler l’Etat à ses responsabilités

Les partenaires sociaux ont bien tenté de faire inscrire cet engagement dans la loi spéciale pour « garantir la continuité de la vie nationale », promulguée le 20 décembre 2024, mais, « en raison d’une méconnaissance de nos obligations de gestion, notre besoin n’a pas été pris en compte », indique le texte. Un amendement visant à élargir à l’Unédic le périmètre des organismes emprunteurs couverts par cette loi a été jugé irrecevable. Selon plusieurs sources, ce refus a également été motivé par Bercy, qui considérait que la trésorerie de l’association, fin 2024, pouvait couvrir ses besoins de début d’année. Or, rappellent les gestionnaires du régime, « si l’Unédic dispose aujourd’hui d’un fonds de trésorerie », ce dernier « ne peut pas être considéré comme une potentielle réserve de financement».
Le courrier envoyé à Matignon est surtout l’occasion pour l’Unédicde rappeler l’Etat à ses responsabilités. Car, si l’assurance-chômage se retrouve dans une telle incertitude financière, ce n’est pas sa gestion par les partenaires sociaux qui est en cause, mais bien l’action des précédents gouvernements. Le texte rappelle qu’entre 2018 et 2023 « plusieurs décisions exogènes impactant les recettes et les dépenses du régime ont été mises en oeuvre ».
Parmi toutes ces mesures décidées depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, outre la suppression de la cotisation salariale remplacée par une part de CSG ou la hausse de la contribution du régime au financement de France Travail de 10 % à 11 %, c’est la ponction de 12,05 milliards d’euros sur la période
2023-2026 décidée par arrêté en décembre 2023 pour financer deux opérateurs destinés à l’emploi et à la formation (France Travail et France Compétences) qui met le plus à mal les finances de l’Unédic. Dernière réforme en date, mise en place le 1er janvier, la modification de l’assiette sociale des travailleurs indépendants devrait coûter 400 millions d’euros par an au régime − rien en 2025 mais 800 millions en 2026.
« Variable d’ajustement »
Les gestionnaires du régime ont donc le sentiment qu’on leur fait les poches. « On a la gestion, mais on n’a pas la bourse », résume Michel Beaugas, secrétaire confédéral de FO. « Ça fait beaucoup de ponctions sur lesquelles on n’a aucune marge de manoeuvre », ajoute son homologue de la CGT, Denis Gravouil. Dans leur courrier, Jean-Eudes Tesson et Patricia Ferrand regrettent que l’assurance-chômage soit « devenue une forme de variable d’ajustement pour les budgets de l’Etat », d’autant que les décisions
prises par les gouvernements successifs l’ont été « sans aucune concertation avec les gestionnaires du régime ni aucune analyse d’impact ».
Résultat, l’assurance-chômage peine à réduire sa dette, qui s’élevait à 59 milliards d’euros fin 2024. Pire, toutes ces dispositions gouvernementales l’amènent à devoir de nouveau emprunter,
notamment à court terme, pour éponger ses dettes, les excédents qu’il dégage n’étant plus suffisants − 300 millions d’euros en 2024 contre 3,1 milliards sans ponction de l’Etat. Un recours supplémentaire à l’emprunt estimé à 900 millions d’euros entre 2023 et 2027. Une situation inique qui ne cesse d’exaspérer
l’Unédic.
Pour régler cette situation préoccupante, Jean-Eudes Tesson et Patricia Ferrand appellent l’Etat à une concertation « dans les plus brefs délais » afin de « rétablir un financement pérenne du régime
» et de « remédier aux conséquences directes des décisions de l’Etat ».


par Thibaud Métais

Source : https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/01/13/assurance-chomage-faute-de-budget-l-unedic-s-inquiete-pour-son-financement_6495727_823448.html