Baisser les impôts de production de 10 milliards d’euros pour les entreprises n’a servi à rien
Une récente étude consacrée à la baisse des impôts de production conclut que les entreprises bénéficiaires n’ont rien fait de ce gain. Malgré ce résultat, le gouvernement veut poursuivre dans cette voie.
Parmi les nombreuses mesures de baisse de la fiscalité voulues par le président de la République, il y a eu la suppression partielle des impôts de production : depuis 2021, les entreprises françaises ont vu leur facture fiscale allégée de 10 milliards d’euros en la matière. Pour quel effet ? C’est la question à laquelle plusieurs experts de l’Institut des politiques publiques (IPP) ont cherché à répondre. Et le résultat de leur étude est sans ambiguïté : cela n’a servi à rien. Ou comment le couple Macron – Le Maire a jeté l’argent par les fenêtres.
Les économistes de l’IPP ont focalisé leur attention sur la Contribution économique territoriale (CET), composée de la Contribution foncière des entreprises (CFE) et de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Ils ont analysé les effets de la baisse de cette CET sur les trois premières années de sa mise en œuvre, entre 2021 et 2023.
Pour rappel, la CFE ne concerne que les établissements industriels. L’analyse des conséquences spécifiques de sa baisse a été rendue possible grâce à des changements de législation en 2019 et 2020, qui ont modifié ce que les entreprises peuvent considérer ou pas comme un bâtiment industriel. Une redéfinition qui permet de suivre le comportement d’entreprises à peu près équivalentes, mais dont une partie seulement a pu bénéficier de la réforme de la CFE de 2021.
De son côté, la CVAE est un impôt sur la valeur ajoutée des entreprises dont le taux est une fonction croissante du chiffre d’affaires avec différents taux à différents seuils. Avant la réforme, le taux maximum montait à 1,5 % de la valeur ajoutée. En 2021, les taux ont été divisés par deux, le taux maximal s’arrêtant à 0,75 % avant d’être de nouveau abaissé en 2023 à 0,28 %.
Un ciblage réussi
La première étape de l’étude a consisté à vérifier que la baisse des impôts de production… a bien eu lieu ! C’est-à-dire que l’on voit bien une diminution des impôts payés par les entreprises après 2021. Et c’est bien le cas : les entreprises concernées dans leur ensemble ont effectivement bénéficié d’une marge de manœuvre supplémentaire de 10 milliards d’euros.
Deuxième étape : observer quels genres d’entreprises ont bénéficié le plus de la baisse des impôts de production. Bonne nouvelle, ce sont celles que l’on souhaitait cibler pour développer la compétitivité française. Les entreprises les plus grandes et les plus intensives en capital, disposant de nombreux locaux industriels, sont celles qui ont le plus gagné à la baisse des prélèvements. Les firmes du secteur industriel en premier, et celles qui sont les plus actives à l’exportation aussi.
Les entreprises que l’on souhaitait cibler ont bel et bien bénéficié le plus de la baisse des impôts de production
De quoi justifier la bataille acharnée des syndicats patronaux de ces dernières années, qui expliquaient que la baisse des impôts de production était indispensable pour aider les entreprises françaises exportatrices.
La troisième étape, la plus attendue, consiste donc à mesurer les conséquences de cette nouvelle marge de manœuvre sur les résultats des entreprises. Et là, on peut prendre les résultats par tous les bouts statistiques que l’on veut, comme le fait la note de l’IPP, les conclusions sont claires.
Des effets impalpables
L’effet sur le chiffre d’affaires ? Nul. Sur l’investissement ? Nul. Sur les créations d’emplois ? Nul. Sur les exportations ? Nul. En particulier, on aurait pu attendre un effet compétitivité de l’allègement de la taxe foncière pour les entreprises industrielles exportatrices. Mais non, rien.
« Nous ne détectons pas de différences imputables à la réforme de la CFE sur les exportations des entreprises affectées, qu’il s’agisse de leur probabilité d’exporter ou de la part que représentent les exportations dans leurs ventes »,écrivent les chercheurs noir sur blanc.
Bien sûr, il est difficile de mesurer précisément les effets d’une réforme fiscale lancée l’année qui suit le Covid-19. Dans le même temps, les entreprises françaises ont en effet bénéficié du plan « France relance », de quoi leur insuffler une dynamique de reprise soutenue par une baisse de la fiscalité. Mais de ce que l’on peut mesurer, elles n’ont pas décidé d’en profiter pour mieux vendre, investir ou exporter.
Entêtement gouvernemental
La conclusion est nette : la baisse des impôts de production n’a pas d’effets macroéconomiques positifs. Cela revient à faire plaisir aux syndicats patronaux les plus conservateurs avec « une politique de saupoudrage qui profite un peu à beaucoup de monde », précise Laurent Bach, économiste qui est l’un des coauteurs du rapport.
La conclusion est nette : la baisse des impôts de production n’a pas d’effets macroéconomiques positifs
S’il n’y a pas de grands gagnants, on est certain que la mesure fait un grand perdant. Il s’agit de l’Etat, privé de recettes fiscales qui nous font largement défaut aujourd’hui.
Que pensent nos chercheurs du fait que le gouvernement Lecornu prévoit une nouvelle baisse de la CVAE dans son projet de budget 2026 ? Avec un abaissement du taux maximum à 0,19 %, avant une suppression définitive d’ici 2028, pour un coût de 1,1 milliard l’an prochain ? Avec un sens certain de la litote, Etienne Fize, chercheur en économie et autre coauteur de l’étude, répond simplement : « Cela ne paraît pas une priorité.