Le CDI senior, une « valorisation de l’expérience » en toc

Ne dites plus CDI senior mais contrat de valorisation de l’expérience. Dans une énième tentative pour trouver le contrat miraculeux qui boostera l’emploi des salariés âgés, le projet de loi de transposition de deux accords nationaux interprofessionnels sur l’emploi des seniors et le dialogue social signés en novembre 2024 est examiné ce 4 juin au Sénat.

Le « package » comprend l’obligation pour les branches professionnelles de négocier sur l’emploi des seniors tous les quatre ans, idem pour les entreprises de plus de 300 salariés. Le texte prévoit des entretiens « renforcés » de mi et fin de carrière. L’employeur devra également justifier son refus d’accorder une retraite progressive.

Et il y aura donc la création, à titre expérimental sur cinq ans, du contrat de valorisation de l’expérience (CVE) pour les demandeurs d’emploi de 60 ans et plus. Le curseur pourra même descendre à 57 ans en cas d’accord de branche étendu. L’idée n’est évidemment pas nouvelle. Avant d’être repris par le patronat, le CDI senior exonéré de cotisations patronales avait fait l’objet d’un amendement de la droite sénatoriale lors du débat sur les retraites en 2023.

CDI à échéance retraite

La nouvelle version est peu ou prou la même. Le CVE invente en réalité le CDI à échéance déterminée agrémenté d’un nouveau mode de rupture : le chômeur senior devra, dès l’embauche, fournir un document de l’assurance vieillesse précisant l’âge auquel il pourra prétendre toucher une retraite à taux plein. Car dès lors qu’il aura cumulé les deux conditions nécessaires – avoir atteint 64 ans et cotisé suffisamment de trimestres –, l’employeur pourra mettre fin à son CDI, sans forcément attendre la règle de la mise à la retraite d’office, fixée à 70 ans.

Et en guise de remerciement pour avoir embauché un senior, il sera alors exonéré de la contribution patronale spécifique de 30 % due sur le montant de la mise à la retraite. Tant pis pour celle ou celui qui voudrait continuer à travailler. Ils sont de plus en plus nombreux à devoir le faire pour des raisons financières.

A l’âge du taux plein, les demandeurs d’emploi ne peuvent plus s’inscrire à France Travail, c’est à l’assurance retraite de prendre le relais

Mais à l’âge du taux plein, les demandeurs d’emploi ne peuvent plus s’inscrire à France Travail, c’est à l’assurance retraite de prendre le relais. Il leur faudra donc imprimer un nouveau CV et trouver tout seuls un autre boulot sans le filet de sécurité des allocations. A plus de 64 ans, c’est là qu’on leur souhaite bonne chance.

En France, le calvaire de la recherche d’emploi commence en effet bien plus tôt. Selon un récent sondage du cabinet de recrutement Robert Half, seuls 17 % des 45-65 ans ont été approchés par des recruteurs en 2025, contre 20 % en 2024. Les 18-34 ans sont plus chanceux : 48 % d’entre eux affirment avoir été contactés.

Un sondage Ipsos pour le ministère du Travail et l’ANDRH vient de dresser un constat peu engageant : les entreprises ne sont que 8 % à déclarer avoir mis en place des politiques de recrutement destinées aux plus âgés. Et on ne parle pas du vide sidéral en matière de conditions de travail, d’aménagement des postes ou du temps de travail. Sans oublier le manque d’action pour lutter contre les préjugés : la prétendue absence de motivation des seniors, leur incapacité à s’adapter aux nouveaux outils numériques ou encore leur niveau de salaire jugé trop élevé.

Ce qui n’est pas toujours une réalité. Au fur et à mesure que les salariés prennent de l’âge, les directions cessent d’investir sur les seniors qui ne bénéficient plus autant que les plus jeunes d’augmentations de salaire. Quant aux demandeurs d’emploi âgés, ils sont nombreux à accepter des sacrifices salariaux pour retrouver un job. La « valorisation de l’expérience » est encore loin d’être un concept porteur.

Source : https://www.alternatives-economiques.fr/sandrine-foulon/cdi-senior-une-valorisation-de-lexperience-toc/00115150