Pourquoi la validation des acquis de l’expérience est-elle restée en panne ?
Créée en 2002, mais peu soutenue, la validation des acquis de l’expérience (VAE) devait être relancée et élargie en 2024. Ce dispositif pourtant vertueux a encore fait les frais de la crise politique et budgétaire.
Ce devait être un « progrès social important ». En 2022, la ministre de la Formation et de l’Enseignement professionnels, Carole Grandjean, annonçait une relance ambitieuse de la validation des acquis de l’expérience (VAE).Alors que, chaque année, cette voie parallèle d’accès à un diplôme bénéficiait à environ 30 000 personnes, l’objectif était de porter ce nombre à 100 000.
Vingt ans plus tôt, la VAE avait été imaginée pour mieux reconnaître les compétences acquises sur le tas par les demandeurs d’emploi, parmi lesquels la part de non-diplômés s’élevait encore à 36 % en 2020, selon la Dares.
De quoi permettre à tout actif d’enrichir son CV avec un savoir-faire acquis par la pratique, et ainsi d’obtenir une promotion professionnelle voire salariale, ou de faciliter une reconversion.
Relancer une mesure insuffisamment soutenue
Pourtant, malgré son intérêt et un bond des candidatures et des reconnaissances au cours de la décennie 2000, l’intérêt vis-à-vis de la VAE s’est tari. « La VAE est une bonne idée qui a toujours peiné à se concrétiser », résume Paul Santelmann, expert des politiques de formation et de qualification.
En cause, d’abord, des obstacles trop nombreux. Longtemps synonyme de parcours du combattant et d’un fort taux d’abandon, la VAE a souffert d’un manque de soutien des certificateurs et des jurys craignant de brader les diplômes, de la lourdeur administrative des démarches, de l’incertitude des candidats quant à leur réussite ou encore de délais excessifs.
L’absence d’une ligne budgétaire permanente affectée à la VAE, et surtout une tendance des politiques publiques à privilégier le financement des formations au détriment de la VAE, sans forcément combiner les deux, auront été encore plus pénalisantes, insiste Paul Santelmann.
La réforme de 2022 avait justement pour but de lever ces freins. Pour renforcer l’attractivité de la VAE auprès du public, la condition d’un an minimum d’expérience professionnelle requise pour la recevabilité des dossiers a ainsi été retirée, ouvrant cette voie aux aidants, aux sportifs ou aux bénévoles.
Le dispositif a été également simplifié grâce à la création d’un portail numérique, France VAE. Celui-ci devait être la voie d’accès à un vrai « service public » de la VAE, ouvert à tous et concernant l’ensemble des diplômes inscrits au répertoire national des certifications professionnelles. Autre « plus » : dans sa version expérimentale, la plateforme assurait directement le financement du parcours. Plus besoin, donc, de faire le tour des financeurs potentiels afin d’être fixé sur la prise en charge.
Coups de massue
Deux mois après son ouverture, en juillet 2023, France VAE enregistrait déjà 2 600 candidatures, puis 3 750 en janvier 2024. Quatre mois plus tard, l’accès au site était subitement coupé.
Quand le portail rouvre en juillet 2024, ce ne sont plus 210 diplômes qui sont accessibles, mais seulement 24, dans le secteur social et médico-social. Nouveau coup de massue en novembre : les dossiers toujours « finançables » ne sont plus pris en charge, apprennent alors les « architectes accompagnateurs de parcours » chargés de faire avancer les dossiers des candidats utilisant la plateforme.
Pour régler des frais de 1 500 à 3 000 euros, la principale solution de repli est alors le recours au compte formation, à moins de trouver un autre financement miracle auprès de France Travail, de certaines régions ou de son employeur. Résultat : en janvier 2025, il ne restait plus que 864 candidatures en cours.
Ce réseau associatif, qui accompagnait déjà 2 000 VAE par an, s’était projeté sur un essor du dispositif, investissant temps et argent pour former ses conseillers.
Un outil émancipateur
« Nous avons mobilisé l’ensemble du réseau et accompagné tous nos collaborateurs pour endosser la mission d’architecte accompagnateur de parcours et s’inscrire sur la plate-forme France VAE », détaille Marion Perrin, la référente nationale VAE.
L’épuisement des budgets dévolus à l’amorçage de la plateforme, qui n’étaient pas adaptés à cette montée en charge, a stoppé net la dynamique. Le groupement d’intérêt public qui devait la doter d’un budget propre n’a pas été créé.
Elle espère que le nouveau gouvernement Bayrou finira par corriger le tir. La première version du PLF 2025 présentée à l’automne dernier ne prévoyait pas de financement pour les nouveaux dossiers.
Source : Alternatives Economiques – https://www.alternatives-economiques.fr/validation-acquis-de-lexperience-restee-panne/00113788?utm_source=emailing&utm_medium=email&utm_content=24012025&utm_campaign=hebdo