Le « cri d’alerte » des missions locales face à la baisse de leur financement
Dans un contexte global d’économies budgétaires, ces structures qui accompagnent les jeunes dans l’emploi et l’insertion sociale craignent une réduction drastique de leur budget de la part de l’Etat et des collectivités locales.
La jeunesse est-elle la grande oubliée des politiques publiques actuelles ? Il a beaucoup été question des retraites ces dernières semaines, et ce fut encore le cas dans la déclaration de politique générale de François Bayrou à l’Assemblée nationale, mardi 14 janvier. En revanche, pas un mot ou presque, dans le discours du premier ministre, sur les jeunes générations et leur avenir. Le matin même, l’Union nationale des missions locales (UNML) – structures d’aide à l’insertion socioprofessionnelle des 16-25 ans – lançait justement un « cri d’alerte » pour protester contre une baisse de ses financements. Les arbitrages du prochain projet de loi de finances ne sont pas encore connus, mais l’UNML sait déjà que la potion sera amère. Selon son président, Stéphane Valli, il est prévu que les crédits de l’Etat, principal financeur des missions locales, soient réduits de plus de 5 %, soit un passage de 630 millions d’euros à 600 millions d’euros, sur un budget total d’un peu plus de 1 milliard d’euros. « Ça nous inquiète au moment où le pays devrait investir dans son avenir », déclare M. Valli. La préoccupation est d’autant plus forte que l’Etat n’est pas le seul à réduire son engagement. Cette diminution s’accompagne ainsi de baisses, parfois drastiques, de la participation des collectivités locales, notamment des régions, qui assurent 20 % du financement. En novembre, la présidente (Horizons) des Pays de la Loire, Christelle Morançais, a annoncé la suppression intégrale des subventions à ces structures. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, c’est une réduction de 30 % qui est prévue et 10 % en Auvergne-Rhône-Alpes. En Ile-de-France, les moyens alloués ont été divisés par quatre en trois ans.
« Engagement moral »
En moyenne, l’UNML estime que le budget des missions locales va baisser de 10 % à 15 %. Stéphane Valli espère que cela n’engendrera pas de fermetures parmi les 450 agences que compte le réseau. Il assure qu’il n’y aura pas de grandes zones géographiques sans structure. Mais les conséquences sur l’accompagnement des jeunes risquent d’être fortes, notamment à cause d’une baisse du nombre de conseillers, alors que l’UNML compte actuellement 17 000 salariés. « Un jeune trouvera toujours un interlocuteur face à lui, mais nos conseillers vont être saturés. Il va donc être compliqué d’accompagner tout le monde correctement dans ce cadre », explique le président du réseau. D’autant que les missions locales accueillent un public toujours plus nombreux. Aujourd’hui ce sont plus d’un million de jeunes qui sont accompagnés. La réforme de France Travail – qui rend obligatoire l’inscription de tous les demandeurs d’emploi y compris les bénéficiaires du revenu de solidarité active −, généralisée le 1er janvier, a encore accentué cette situation. En deux semaines, le nombre de jeunes orientés vers les missions locales par l’opérateur public a été multiplié par cinq, ce qui représente environ 10 % des nouveaux inscrits (environ 45 000 personnes). « Notre réseau accompagne de plus en plus de jeunes. Mais, malgré ce constat, on assiste à une baisse significative de nos financements », regrette Stéphane Valli. Conscient de la situation financière compliquée du pays, qui oblige à des économies, il ne demande
pourtant pas d’augmentation de son budget, mais plaide simplement pour sa stabilisation. « On souhaite surtout avoir un engagement moral, avec un protocole national de participation au financement des missions locales », insiste M. Valli.
Résultats plutôt positifs
De manière générale, ce sont les politiques d’insertion en faveur des jeunes qui connaissent un coup de frein. L’UNML regrette, par exemple, le choix de réduire la voilure du contrat d’engagement jeune. Ce dispositif propose, pour certains jeunes de 16 à 25 ans, une allocation mensuelle en contrepartie de quinze à vingt heures d’activité hebdomadaire. En 2022, l’objectif du gouvernement était de signer 300 000 contrats de ce type, deux tiers en mission locale et un tiers à France Travail. Une ambition dépassée en 2024, avec près de 210 000 contrats paraphés dans le réseau de l’UNML. Mais l’objectif est devenu un plafond à ne pas dépasser en 2025. Le vice-président de l’UNML, Martin David-Brochen, déplore que les politiques de jeunesse soient ainsi « contingentées », ce qui limite l’accès de nombreuses personnes à ce dispositif. D’autant que ce dernier présente des résultats plutôt positifs, selon l’UNML, avec un taux de retour à l’emploi durable de 38 % après six mois. « C’est une bonne chose quand on voit quel est le public concerné, avec plus de la moitié des jeunes accompagnés en missions locales qui n’ont pas le bac », ajoute M. David-Brochen. La situation ne devrait pas s’améliorer à l’avenir. Dans un rapport publié le 9 janvier, la Cour des comptes propose de diminuer encore le nombre de contrats d’engagement jeune. « Si un premier pas a été fait dans ce sens en 2024, avec une cible revue de 300 000 à 285 000 jeunes, il apparaît possible d’amplifier cette réduction de voilure dès 2025 », note la juridiction, qui présente deux scénarios : à 150 000 ou 200 000 jeunes accompagnés au total.
Source : Le Monde