L’accompagnement des chômeurs sous-traité par le privé, malgré les évaluations défavorables

Avec la transformation de Pôle emploi en France Travail, nos dirigeants comptent accélérer plus encore l’externalisation de certains accompagnements de demandeurs d’emploi. Pourtant, les évaluations depuis deux décennies montrent que cette sous-traitance au privé est plus coûteuse et moins efficace.

C’était la dernière étape de la transformation de Pôle emploi en France Travail : depuis le 1ᵉʳ janvier, les près de 2 millions de bénéficiaires du RSA doivent obligatoirement être inscrits comme demandeurs d’emploi, et leur allocation est conditionnée au suivi d’une quinzaine d’heures d’activité l’accompagnement vers le retour à l’emploi.

Mais plus largement, cette nouvelle réforme du service public de l’emploi, comme les précédentes ces dernières décennies, s’accompagne d’une accélération de l’externalisation de l’accompagnement des demandeurs d’emploi, sous-traitée à des entreprises privées.

Selon une enquête de Médiacités publiée par Mediapart en septembre dernier, derrière la création de France Travail il y a le projet d’augmenter de 400 millions d’euros cette sous-traitance ; et pourtant, depuis deux décennies les économistes et chercheurs en sciences sociales démontrent, dans l’évaluation de ces politiques d’externalisation qu’elles ne fonctionnent pas.On en discute avec l’un de ces chercheurs, Luc Behaghel, de l’École d’économie de Paris, spécialisé dans d’évaluation des politiques publiques en matière de lutte contre la pauvreté et d’accompagnement des demandeurs d’emploi.

L’économiste insiste donc sur le fait que les décideurs continuent à pousser toujours plus loin l’externalisation du suivi des demandeurs d’emploi en accompagnement renforcé, alors que l’on sait que cela dégrade la qualité du service public rendu aux usagers. « On sait, mais on continue à le faire… « 

France Travail a annoncé à l’automne dernier qu’il va sous-traiter l’accompagnement de 165 000 cadres dans leur recherche d’emploi pour un contrat de 61 millions d’euros.

C’est le dispositif Agil’Cadres, justifié selon l’organisme par le fait que ce public des cadres serait plus autonome dans ses recherches et aurait besoin d’un suivi moins important. Cela convainc à moitié Luc Behaghel : il se dit moins inquiet des répercussions sur les cadres qui en effet pâtiront moins de cette sous-traitance, mais reste convaincu que l’accompagnement serait mieux fait par des agents de France Travail.

Un moindre mal, donc, dans une gestion du service public de l’emploi qui doit répondre avant toute chose à la pénurie des moyens qui lui sont accordés. Avec cette idée tenace que le privé fait forcément mieux les choses et pour moins cher que le public. Deux idées fausses, en tout cas pour l’accompagnement des chômeurs, comme l’ont donc prouvé les sciences économiques et sociales.

Source : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-journal-de-l-eco/l-accompagnement-des-chomeurs-sous-traite-au-prive-malgre-les-evaluations-defavorables-4432675